jeudi 5 juillet 2007

UNITY CONFERENCE A ATLANTA: DISCOURS DU SENATEUR EDMONDE BEAUZILE

J’introduis mes propos circonstanciés du jour en empruntant à deux philosophes leurs pensées. La 1ère est de Pierre Joseph Proudhon et je cite : « Tout de même l’état, ce n’est pas seulement la justice, la police, la diplomatie et la guerre, c’est encore une gestion d’intérêts collectifs ».

La 2ème de Pierre Emmanuel se lit de la manière suivante :« Le plus grave désastre qui puisse menacer un peuple, c’est l’indifférence de ses membres à la forme de son souvenir ». Elles rendent compte d’une part de cette absence de gestion intelligente de la société haïtienne depuis toujours et notre forme d’insouciance par rapport à notre avenir de peuple d’autre part.

Chers Compatriotes de l’extérieur,

J’éprouve en ce moment un plaisir certain quant à prendre la parole en face d’un public aussi select composé d’hommes et de femmes professionnels, de rudes travailleurs, d’universitaires vivant en dehors de la terre natale mais bien préoccupés des difficultés de toutes sortes qui la traversent.

Je veux prendre un temps spécial pour remercier l’institution qui m’a associé à cette initiative de grande importance : Rencontre avec la diaspora haïtienne

Permettez que je m’adresse à l’auditoire pour dire que si ma qualité de citoyenne m’interpelle chaque jour sur les affaires de la cité, ma position de femme socialiste, co responsable de la gestion du pays (Vice-Présidente du Sénat de la République) m’impose l’obligation d’œuvrer dans le sens du renouveau nécessaire de la patrie. Toutes mes actions sont orientées dans cette perspective

Mon intervention, dans sa portée, sera double :
1) Une mise en contexte global de la situation du pays
2) Et une réflexion sur ce qui peut être contribution de la diaspora dans le développement du pays.

I- La gestion de la société haïtienne sur longue période 203 années, les politiques qui ont été mises en place par les gouvernements successifs, les batailles stériles de nos différentes élites pour le pouvoir et l’argent ont fait passer la société haïtienne, de ce peuple qui au début du 19ème siècle a étonné positivement l’humanité en écrivant l’une des plus belles pages de l’auto détermination des peuples dans l’histoire universelle à ces agrégats de citoyens évoluant sur un espace qui représente le laboratoire d’expérimentation des nouvelles théories de la dépendance ou de la recolonisation à l’aube du 21ème siècle.

Les données, plus que lamentables, qui dans tous les domaines caractérisent la société invitent certains à évoquer pour tenter de comprendre, de l’inexistence de l’Etat en Haïti. Si j’en parle, ce n’est point pour blesser vos oreilles mais pour partager avec vous les éléments évidents de notre déchéance et la faillite flagrante de nos différentes élites :

a) Le Revenu per capita est parmi les plus bas du monde 250$ H/a
b) 80% de la population haïtienne vit dans le seuil de pauvreté absolue
c) L’espérance de vie est de 47 ans pour les hommes et de 53 pour les femmes
d) Le taux de chômage dépasse 70%
e) Le taux d’alphabétisme est de 65%
f) La couverture forestière est de 1.5% (Haïti est classé dans le monde comme le 2ème le plus dangereux pour la qualité de son environnement.
g) La mortalité infantile est de 37 pour mille le plus élevé de toute la région
h) En cette année 2007, 31.000 élèves passent le bacc 2ème partie pour une capacité d’accueil à l’université d’Etat de moins de 5000 places.
i) Avec un médecin pour 10.000 habitants une infirmière pour 8.000 la santé est un luxe.

Nous avons affaire, à un état fantomatique dit un observateur, avec des dirigeants qui ne dirigent pas, sans prise réelle sur les problèmes nationaux, sans projet particulier, peut être parfois sans connaissance de l’état général du pays et sans volonté manifeste d’intervenir. Les fonctions minimales de gestion du bien commun, au nom de l’intérêt général du pays, ne sont pas remplies. Jean Price Mars qui avait écrit au début des années 1960: « la vocation de l’élite » pour exprimer le rôle qu’elle est appelée à jouer dans la transformation de la société constaterait aujourd’hui avec amertume sa démission évidente.

Les choses ont empiré au point que le pays depuis trop longtemps ne génère plus suffisamment de revenus pour prendre en charge le destin de tous ses enfants. Et la terre d’exil ne correspond plus à un choix délibéré mais plutôt à une sorte d’imposition que certains doivent vivre très douloureusement.

II- Georges Anglade : Le très éminent géographe haïtien évoque le chiffre de 4.000.000 pour dire de la qualité d’Haïtiens dispersés à travers le monde. Le chiffre, s’il se révèle conforme à la réalité ferait de la diaspora haïtienne l’une des plus importantes du monde. Son apport à l’économie nationale est incontestable. La BID l’a évalué à 1 milliard 600 million de dollards.

Pour autant, je ne partage pas l’idée exclusive d’apport économique de la diaspora au pays, comme certains le claironnent pour justifier une quelconque considération sur son rôle dans le devenir de la société. Cela semble dire que le contraire ne rendrait pas la diaspora méritoire.

Rendre plutôt justice enfin tant à des hommes qu’à des femmes qui ne demandent qu’à se servir, qu’à mettre leur compétence au service de leur pays forge ma conviction intime sur la question. Il est évident qu’il faut se donner la bonne formule pour une représentation plus en harmonie aux besoins du pays bien en dehors de celle dite cosmétique, il faut bien l’admettre, qui jusque la conduit les relations entre différents pouvoirs et la communauté haïtienne de l’étranger.

J’ai toujours, dans le cadre des réflexions sur la diaspora exprimer l’idée que l’on ne pourra dans le désordre administratif actuel du pays tirer avantage du savoir faire largement exprimé de bon nombre de compatriotes. Je l’ai toujours conçu dans le cadre d’un programme de gouvernement bien défini, lorsque les besoins en ressources humaines auront identifiés et mis au service du pays bien évidemment en réfléchissant sur la finalité administrative à atteindre. Le passage d’une administration traditionnelle à une dite moderne nécessite l’expérience pratique de la diaspora haïtienne. Il s’agit d’une impérative historique de démocratisation politique, la construction d’une nouvelle société plus en harmonie aux grandes valeurs de justice et de respect des droit de l’homme.

Concernant le problème de la double nationalité consacrée par la constitution de 1987 dans son article 15 : « La double nationalité haïtienne et étrangère n’est admise en aucun cas. »

Autour de ce point important, objet de larges débats j’ai, avec des collègues parlementaires députés et sénateurs, établi des pourparlers pour dégager la nécessité d’amender, selon une formule consensuelle ce dit article et ouvrir ainsi la voie à la double nationalité à ces citoyens qui dans bien des cas n’ont pas choisi sans contrainte la nationalité étrangère. C’est mon point de vue exprimé bien avant l’intervention du jour : La diaspora haïtienne doit participer plus activement à la gestion de la société. Toutefois, tout comme cela s’est passé pour notre compatriote Michaelle JEAN actuelle gouverneur du canada avant l’occupation de certaines fonctions politiques députés, sénateurs, président il faudra renoncer à la nationalité étrangère.

Je terminerai mes propos avec quelques tristesse dans la voix pour partager avec vous une information que certains d’entre vous peuvent bien savoir déjà. Elle concerne une série d’artistes américains tant dans le monde de la musique de la mode que du cinéma portant des origines haïtiennes et qui ont mis un grand secret à les cacher.
Ces artistes ont pour nom
Beyoncé Knowles une ancienne de Destiny Child (un groupe de musique) sa grand-mère maternelle est haïtienne
Denzel Washington
Sidney Poitier son père est haïtien
Will Smith de son vrai nom Willard Christopher SmithJr sa mère est haïtienne et se prénomme Caroline
Eddy Murphy
Un certain nombre de rappeurs noirs bien connus du monde du show biz aux USA et à travers le monde sont également d’ascendance haïtienne. Citons entre autres Fifty(50)Cents, Calvin Cordozar, Broadus alias Snoop Doggy et LL Cool J etc.
Ces informations sont tirées du Journal « Le Matin » mardi 5 juin 2007 dont l’adresse électronique est  HYPERLINK "mailto:info@lematinhaiti.com" info@lematinhaiti.com
Je dois vous avouer que cette lecture ajoutée à ma conviction de départ m’ont rendu plus déterminé quant à participer à cette bataille pour l’émergence d’un sursaut national entrainant dans une grande combite tous les haïtiens partout où ils peuvent se trouver pour l’édification d’une société porteuse de fierté et de dignité pour tous les ressortissants. C’est la meilleure façon de rendre hommage à Jacques ROUMAIN en dehors des manifestations simplement artistiques et culturelles.

A mon sens, le caractère des choix politiques à faire doit constituer une rupture avec certaines pratiques des régimes précédents et s’accompagner de la mise en œuvre d’une nouvelle politique de développement économique. Toute stratégie doit consister en des actions ayant un impact immédiat sur l’amélioration des conditions de vie des populations démunies du pays. Les engagements formels de la communauté haïtienne et de la diaspora sont nécessaires pour attendre les objectifs suivants :
1) La réactivation de l’économie nationale
2) la lutte contre le chômage et le sous emploi
3) l’extension de l’éducation.
Pour y arriver les conditions suivantes sont plus qu’obligatoires : une bonne politique fiscale, une lutte en règle contre la corruption et une bonne gouvernance.
La société nouvelle que tous les haïtiens appellent de tous leurs vœux j’y crois et vous demande de partager mon optimiste actif. Merci.

lundi 11 juin 2007

Convention des Partis Politiques à Karibe:Allocution de la Sénatrice Edmonde Supplice Beauzile

Mesdames, Messieurs,

Réfléchir sur le rôle des Partis Politiques dans la construction de la démocratie en Haïti est un exercice utile et fascinant. La présence significative de la Classe Politique à la Caribe témoigne, sans nul doute, de l’intérêt qu’elle y accorde. C’est donc un grand honneur que de prendre la parole ce matin. En tant que Parlementaire et membre dirigeant de Parti, mes propos viendront peut-être, et je voudrais qu’ils le soient, enrichir le débat.XXXXXXXXX

Permettez-moi d’abord, Mesdames, Messieurs, de féliciter la Convention des Partis Politiques pour son initiative. C’est grâce à elle qu’en ce moment d’éminentes figures politiques et personnalités se sont réunies en ce lieu pour étudier sous divers angles le rôle des Partis Politiques dans la construction démocratique, fait qui montre que leur existence ne crée pas seulement des problèmes mais qu’il provoque également des inquiétudes, inquiétudes qui augmentent chaque jour.XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX

Permettez-moi aussi, avant d’aborder le sujet qui traite de ma vision parlementaire des Partis Politiques en harmonie avec la mouvance démocratique, d’exprimer aujourd’hui mon souhait le plus sincère : que les travaux de ces journées soient une importante contribution pour atteindre les objectifs communs qui nous unissent à la recherche de solutions plus libres et plus justes des problèmes, en rapport avec l’espèce dont il s’agit, auxquels la société haïtienne est confrontée.XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX

Qu’est-ce qu’un Parti Politique ? Plusieurs définitions pourront être proposées. Retenons en deux. La première est de Damasse Pierre. « Le Parti est la charpente indispensable de l’édifice démocratique, c’est lui qui permet à la liberté d’avoir une réalité. C’est grâce aux Partis Politiques que les opinions individuelles contradictoires sont ramenées à des formules coordonnées. C’est grâce à eux que des conséquences pratiques sont tirées des doctrines, parce qu’un Parti est aussi un organe d’action ».XXXXXXXXXXXXXXX

La seconde est de Burke. « Un Parti Politique est un groupe d’hommes unis pour favoriser, par leurs efforts communs, l’intérêt national fondé sur un certain principe sur lequel ils s’accordent ». Cette définition, commente Antony Georges Pierre dans l’ouvrage « Les Partis Politiques dans l’Histoire d’Haïti » à la page 80, implique aussi l’existence d’autres partis rivaux qui entrent en compétition pour le pouvoir. Mais si la prise du pouvoir par les leaders d’un parti ayant recueilli le plus large pourcentage de votes aux élections constitue un objectif primordial, aucun parti ne peut prétendre imposer à l’espace national des décisions contraires aux vœux de la majorité sans porter préjudice à l’intérêt du corps social car le but d’un Parti Politique n’est pas principalement de représenter des intérêts, mais de regrouper autant d’intérêts que possible autour d’un programme et de principes plus vastes que chacun des intérêts particuliers ». C’est certainement dans la perspective de cette démarche que se situe la manifestation politique du jour.XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXx


Le XIX ème siècle marque un tournant décisif dans les annales de la politique haïtienne. Il inaugure l’émergence de deux partis sur la scène politique : le Parti National et le Parti Libéral. La devise des libéraux est le pouvoir aux plus capables, celle des nationaux, le pouvoir au plus grand nombre. Deux devises qui s’excluent l’une l’autre et qui charrient en elle-même des éléments de discorde au mépris des intérêts supérieurs de la nation. On comprend, dès lors, qu’ils n’ont pas survécu parce que leurs dirigeants se révélaient incapables de lancer le pays dans la voie du changement réel. D’autres intervenants viendront, j’imagine, relater l’histoire des Partis Politiques en Haïti qui ne relève pas de ma compétence.XXXXXXXXXXX

Ceci étant dit, je précise, toutefois, Mesdames, Messieurs, quelqu’eut été le mobile qui eut expliqué leur échec, nous qui appartenons à la grande famille de la Convention, nous, membres à part entière de partis politiques, nous devons tirer leçon de l’expérience du passé. Nous devons nous dire que nous sommes des nains juchés sur les épaules de ces géants. C’est la seule façon de voir davantage et plus loin. Non pas parce que nous sommes devenus plus intelligents qu’eux et mieux imbus de la réalité sociale, mais parce qu’ils nous élèvent et nous portent en l’air de toute leur hauteur gigantesque.XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX

A la faveur des élections présidentielles et législatives organisées l’ année 2006 en cours, J’ai été élue Sénateur de la République sous la bannière du Parti des Sociaux- Démocrates, la Fusion . En vertu du principe de la séparation des pouvoirs, il incombe aux Sénateurs et Députés d’apporter leur contribution dans la construction démocratique.XXXXXXXXXXX

La 48ème Législature regroupe des Parlementaires d’appartenance politique différente. Ils reviennent du regroupement Lespwa, de la Fusion, de l’Organisation du Peuple en lutte, de l’Alliance, de l’Union. Par delà leur divergence, ils sont appelés à travailler ensemble car ils appartiennent à un corps organisé. L’article 111 de la Constitution en vigueur dispose : « le Pouvoir Législatif fait des lois sur tous les objets d’intérêt public ». XXXXXXXXXXX

La loi vise en effet à assurer l’équilibre essentiel au déroulement de relations harmonieuses entre les individus d’une collectivité donnée. Il évite ainsi que ces relations ne soient assujetties à l’impitoyable loi de la jungle. C’est ce coté utilitaire de la loi que l’on retrouve dans toute société civilisée. Dès qu’on parle d’intérêt public, c’est le pays tout entier qui est concerné. Dans la construction de la démocratie, le législatif et l’exécutif doivent se mettre ensemble et prendre toute initiative visant au climat sécuritaire de la société haïtienne. Les Partis Politiques, ont-ils un rôle à jouer à ce niveau ? Tout vote de loi nécessite un débat. Il faut rester certes à l’écoute des citoyens qui vont émettre des opinions contradictoires mais les Partis surtout ceux qui sont représentés au Parlement doivent créer des espaces de réflexions qui peuvent orienter positivement le vote du Parlement. Dans le cadre d’un projet de loi en rapport avec le social, le Parti de la Fusion pourrait, par exemple, profiter de l’occasion pour faire passer, à travers ses représentants, certains points de vue conformes à ses aspirations et à son programme. Les Partis doivent être un centre de formation consacré à l’éducation de leurs membres. Les Partis doivent les aider à apporter les solutions judicieuses au problème du milieu.XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
Le Parlement a un pouvoir de contrôle. Sénateurs et Députés doivent savoir à quel moment ils peuvent l’exercer. Un Ministre peut être interpellé et obtenir un vote de non confiance suivant la Constitution. Mais Cette interpellation ne doit pas se faire dans le dessein évident d’engager un bras de fer avec l’exécutif. Les Partis doivent être en mesure de diminuer les risques d’incertitude par le maintien et l’exercice d’une autorité véritable, capable d’assurer la motivation et de créer la stabilité. XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX


A ce carrefour où la société haïtienne se débat pour sortir de sa léthargie, l’organisation de ces deux journées de réflexion est, ce me semble, un pas vers la bonne direction. Cette démarche de la Convention doit s’inscrire dans la quête d’une solution durable et pour ce faire, le masque doit être définitivement jeté car la démocratie est un régime loué par tous, mais aucun de ceux qui le louent, ne loue la démocratie véritable, chacun loue une version déviée de la démocratie.

Mon vœu de parlementaire est de voir que la Convention, en posant véritablement les jalons de cette construction démocratique, devienne cet instrument nécessaire appelé à renforcer les relations harmonieuses qui doivent exister entre le législatif et l’exécutif. Mon vœu est de voir un jour que les Partis se regroupent en fonction de leur tendance de manière à résorber ce pullulement de Partis comme il est arrivé à nos voisins de le faire. XXXXXXXXXXXX

Mesdames, Messieurs,

Posons donc les bases d’une véritable société démocratique. Faisons taire nos ambitions, notre égoïsme, notre orgueil en privilégiant un climat de tolérance et de conciliation. Pour terminer, Disons avec Berthol Brecht : « Souciez-vous en quittant ce monde non pas d’avoir été bon, cela ne suffit pas, mais de laisser un monde bon ».