lundi 11 juin 2007

Convention des Partis Politiques à Karibe:Allocution de la Sénatrice Edmonde Supplice Beauzile

Mesdames, Messieurs,

Réfléchir sur le rôle des Partis Politiques dans la construction de la démocratie en Haïti est un exercice utile et fascinant. La présence significative de la Classe Politique à la Caribe témoigne, sans nul doute, de l’intérêt qu’elle y accorde. C’est donc un grand honneur que de prendre la parole ce matin. En tant que Parlementaire et membre dirigeant de Parti, mes propos viendront peut-être, et je voudrais qu’ils le soient, enrichir le débat.XXXXXXXXX

Permettez-moi d’abord, Mesdames, Messieurs, de féliciter la Convention des Partis Politiques pour son initiative. C’est grâce à elle qu’en ce moment d’éminentes figures politiques et personnalités se sont réunies en ce lieu pour étudier sous divers angles le rôle des Partis Politiques dans la construction démocratique, fait qui montre que leur existence ne crée pas seulement des problèmes mais qu’il provoque également des inquiétudes, inquiétudes qui augmentent chaque jour.XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX

Permettez-moi aussi, avant d’aborder le sujet qui traite de ma vision parlementaire des Partis Politiques en harmonie avec la mouvance démocratique, d’exprimer aujourd’hui mon souhait le plus sincère : que les travaux de ces journées soient une importante contribution pour atteindre les objectifs communs qui nous unissent à la recherche de solutions plus libres et plus justes des problèmes, en rapport avec l’espèce dont il s’agit, auxquels la société haïtienne est confrontée.XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX

Qu’est-ce qu’un Parti Politique ? Plusieurs définitions pourront être proposées. Retenons en deux. La première est de Damasse Pierre. « Le Parti est la charpente indispensable de l’édifice démocratique, c’est lui qui permet à la liberté d’avoir une réalité. C’est grâce aux Partis Politiques que les opinions individuelles contradictoires sont ramenées à des formules coordonnées. C’est grâce à eux que des conséquences pratiques sont tirées des doctrines, parce qu’un Parti est aussi un organe d’action ».XXXXXXXXXXXXXXX

La seconde est de Burke. « Un Parti Politique est un groupe d’hommes unis pour favoriser, par leurs efforts communs, l’intérêt national fondé sur un certain principe sur lequel ils s’accordent ». Cette définition, commente Antony Georges Pierre dans l’ouvrage « Les Partis Politiques dans l’Histoire d’Haïti » à la page 80, implique aussi l’existence d’autres partis rivaux qui entrent en compétition pour le pouvoir. Mais si la prise du pouvoir par les leaders d’un parti ayant recueilli le plus large pourcentage de votes aux élections constitue un objectif primordial, aucun parti ne peut prétendre imposer à l’espace national des décisions contraires aux vœux de la majorité sans porter préjudice à l’intérêt du corps social car le but d’un Parti Politique n’est pas principalement de représenter des intérêts, mais de regrouper autant d’intérêts que possible autour d’un programme et de principes plus vastes que chacun des intérêts particuliers ». C’est certainement dans la perspective de cette démarche que se situe la manifestation politique du jour.XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXx


Le XIX ème siècle marque un tournant décisif dans les annales de la politique haïtienne. Il inaugure l’émergence de deux partis sur la scène politique : le Parti National et le Parti Libéral. La devise des libéraux est le pouvoir aux plus capables, celle des nationaux, le pouvoir au plus grand nombre. Deux devises qui s’excluent l’une l’autre et qui charrient en elle-même des éléments de discorde au mépris des intérêts supérieurs de la nation. On comprend, dès lors, qu’ils n’ont pas survécu parce que leurs dirigeants se révélaient incapables de lancer le pays dans la voie du changement réel. D’autres intervenants viendront, j’imagine, relater l’histoire des Partis Politiques en Haïti qui ne relève pas de ma compétence.XXXXXXXXXXX

Ceci étant dit, je précise, toutefois, Mesdames, Messieurs, quelqu’eut été le mobile qui eut expliqué leur échec, nous qui appartenons à la grande famille de la Convention, nous, membres à part entière de partis politiques, nous devons tirer leçon de l’expérience du passé. Nous devons nous dire que nous sommes des nains juchés sur les épaules de ces géants. C’est la seule façon de voir davantage et plus loin. Non pas parce que nous sommes devenus plus intelligents qu’eux et mieux imbus de la réalité sociale, mais parce qu’ils nous élèvent et nous portent en l’air de toute leur hauteur gigantesque.XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX

A la faveur des élections présidentielles et législatives organisées l’ année 2006 en cours, J’ai été élue Sénateur de la République sous la bannière du Parti des Sociaux- Démocrates, la Fusion . En vertu du principe de la séparation des pouvoirs, il incombe aux Sénateurs et Députés d’apporter leur contribution dans la construction démocratique.XXXXXXXXXXX

La 48ème Législature regroupe des Parlementaires d’appartenance politique différente. Ils reviennent du regroupement Lespwa, de la Fusion, de l’Organisation du Peuple en lutte, de l’Alliance, de l’Union. Par delà leur divergence, ils sont appelés à travailler ensemble car ils appartiennent à un corps organisé. L’article 111 de la Constitution en vigueur dispose : « le Pouvoir Législatif fait des lois sur tous les objets d’intérêt public ». XXXXXXXXXXX

La loi vise en effet à assurer l’équilibre essentiel au déroulement de relations harmonieuses entre les individus d’une collectivité donnée. Il évite ainsi que ces relations ne soient assujetties à l’impitoyable loi de la jungle. C’est ce coté utilitaire de la loi que l’on retrouve dans toute société civilisée. Dès qu’on parle d’intérêt public, c’est le pays tout entier qui est concerné. Dans la construction de la démocratie, le législatif et l’exécutif doivent se mettre ensemble et prendre toute initiative visant au climat sécuritaire de la société haïtienne. Les Partis Politiques, ont-ils un rôle à jouer à ce niveau ? Tout vote de loi nécessite un débat. Il faut rester certes à l’écoute des citoyens qui vont émettre des opinions contradictoires mais les Partis surtout ceux qui sont représentés au Parlement doivent créer des espaces de réflexions qui peuvent orienter positivement le vote du Parlement. Dans le cadre d’un projet de loi en rapport avec le social, le Parti de la Fusion pourrait, par exemple, profiter de l’occasion pour faire passer, à travers ses représentants, certains points de vue conformes à ses aspirations et à son programme. Les Partis doivent être un centre de formation consacré à l’éducation de leurs membres. Les Partis doivent les aider à apporter les solutions judicieuses au problème du milieu.XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
Le Parlement a un pouvoir de contrôle. Sénateurs et Députés doivent savoir à quel moment ils peuvent l’exercer. Un Ministre peut être interpellé et obtenir un vote de non confiance suivant la Constitution. Mais Cette interpellation ne doit pas se faire dans le dessein évident d’engager un bras de fer avec l’exécutif. Les Partis doivent être en mesure de diminuer les risques d’incertitude par le maintien et l’exercice d’une autorité véritable, capable d’assurer la motivation et de créer la stabilité. XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX


A ce carrefour où la société haïtienne se débat pour sortir de sa léthargie, l’organisation de ces deux journées de réflexion est, ce me semble, un pas vers la bonne direction. Cette démarche de la Convention doit s’inscrire dans la quête d’une solution durable et pour ce faire, le masque doit être définitivement jeté car la démocratie est un régime loué par tous, mais aucun de ceux qui le louent, ne loue la démocratie véritable, chacun loue une version déviée de la démocratie.

Mon vœu de parlementaire est de voir que la Convention, en posant véritablement les jalons de cette construction démocratique, devienne cet instrument nécessaire appelé à renforcer les relations harmonieuses qui doivent exister entre le législatif et l’exécutif. Mon vœu est de voir un jour que les Partis se regroupent en fonction de leur tendance de manière à résorber ce pullulement de Partis comme il est arrivé à nos voisins de le faire. XXXXXXXXXXXX

Mesdames, Messieurs,

Posons donc les bases d’une véritable société démocratique. Faisons taire nos ambitions, notre égoïsme, notre orgueil en privilégiant un climat de tolérance et de conciliation. Pour terminer, Disons avec Berthol Brecht : « Souciez-vous en quittant ce monde non pas d’avoir été bon, cela ne suffit pas, mais de laisser un monde bon ».